Dans un très long manifeste publié sur son blog, le développeur expose son ‘master plan’ ainsi que les raisons fondamentales qui l’ont poussé à se lancer dans ce projet. Tout d’abord, le développeur est exaspéré par les nombreux défis auxquels fait face notre monde aujourd’hui. La pollution, la surconsommation, les inégalités sociales, le chômage… autant de crises majeures que l’auteur estime qu’elles ne seront résolues que par le partage.
L’auteur s’oppose aussi fermement à « la volonté de renforcer le droit de la propriété intellectuelle », qui conduit à des aberrations et à autant de dérives des ayants droit.
« Nous pensons que l'open source est la seule voie pour construire un monde durable. » Cette désignation, la même adoptée par GNU/Linux, est selon l’auteur la seule solution susceptible de se débarrasser de toute forme de bureaucratie qui fait entrave à la résolution de problèmes.
L’open source favoriserait l’émergence d’intérêts composés, d’organisations distribuées et une coopération mondiale, autant de conditions nécessaires pour un monde durable. En plus, l’auteur fustige l’imposition « de limites artificielles » sur l’éducation, considéré comme le pilier de toutes les avancées technologiques. L’open source profite largement à l’éducation, en contribuant à la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et en permettant d'étudier librement les systèmes existants.
L’auteur montre aussi sa préoccupation vis-à-vis de l’accès libre aux données. Si effectivement la donnée est comparée au pétrole, il n’en demeure pas moins qu’elle reste contrôlée par de grandes entreprises et est utilisée à des fins nuisibles à l’image du scandale de Cambridge Analytica. D’où l’intérêt d’un accès libre, facile et ouvert aux données pour garantir la transparence totale, car « sans transparence, il n'y a pas de vie publique, pas de confiance possible, société stable. La transparence est le fondement même du contre-pouvoir ».
Le rôle de Bloom dans tout ça
La feuille de route de Bloom se résume en trois étapes :
- Créer des logiciels libres et faire payer l'hébergement, la sécurité des données hébergées et le support entreprise ;
- Avec cet argent, réduire les prix, libérer la donnée et l'accès à la connaissance scientifique ;
- Avec cet argent et cette communauté créer l'infrastructure ouverte pour faire fonctionner ces logiciels et héberger ces données ouvertes.
Plus facile à dire qu’à faire, mais le développeur y croit fermement. Bloom constitue une suite d’applications de productivité, des services en ligne qui sont en concurrence directe avec les services de Google ou encore de Microsoft.
- Bloom Drive: un espace de stockage ;
- Phaser : un scanner de sécurité automatique pour sites web ;
- Bitflow : un gestionnaire de téléchargements, qui permet de télécharger des fichiers directement dans votre drive (torrents, HTTP) ;
- Bloom Music : un lecteur de musique lisant les musiques directement depuis votre drive ;
- Bloom Gallery : une galerie pour vos photos et vidéos ;
- Bloom Contacts : un gestionnaire de contacts ;
- Bloom Notes : une application de prise de notes.
« il y aura demain une application pour chacun de vos besoins quotidiens. »
Chaque service offre un tiers gratuit (ou sont entièrement gratuits), Bloom promet de ne pas traquer les utilisateurs et de ne pas afficher de publicité. Le code source de tous les services est hébergé sur GitLab.
« Nous avons choisi la licence virale AGPL v3.0 pour la plupart de nos créations afin d'encourager d'autres personnes à contribuer en retour et à faire de même. »
Développement
La partie qui nous intéresse le plus est peut-être la partie développement. Le projet Bloom adopte Rust comme le langage de programmation officiel, pour une multitude de raisons :
- Un langage expressif et moderne ;
- Un langage open source qui adhère aux mêmes valeurs que Bloom ;
- Un langage permettant à la fois des abstractions de haut niveau et des constructions de bas niveau, sans coût de performance ;
- Un langage capable à la fois de faire des services web, de la robotique ou encore des blockchains, permet de multiplier les capacités de création ;
- Apprécié par les développeurs.
Le développeur informe que Rust « sera utilisé pour tous les projets de Bloom sauf impératif contraire (Typescript + VueJS pour les applications web, Kotlin pour les applications Android, Swift pour les applications IOS...). »
Bloom est présenté par son créateur comme une alternative à Google, toutefois, le développeur insiste qu’il ne s’agit pas de développer un moteur de recherche, une tâche qui nécessite beaucoup trop de ressources. L’angle d’attaque du projet est plutôt la productivité, une catégorie où cartonnent les Google Apps.
Le projet paraît bien attentionné, mais comme l’ont laissé entendre certains internautes, on pourrait se demander comment sera financé Bloom, sachant qu’il offre gratuitement 30 Gb de stockage, le double de ce qu’offre Google. Pour le moment, le projet peut survivre, mais une fois que les utilisateurs commencent à affluer sur le service, la problématique de financement va se manifester. Actuellement, Bloom est hébergé par AWS, un choix plus économique certes, mais qui pose problème pour un service qui se soucie de la construction d’un monde durable.
Pour conclure, Bloom est un projet de grande ampleur qui ambitionne de rivaliser avec les applications de Google. Toutefois, étant encore dans l’état embryonnaire (Bloom a été lancé en bêta), des questions s’imposent sur le modèle économique du projet : comment le projet arrivera-t-il à rester rentable une fois que la base d’utilisateurs augmente de façon considérable ? Aussi, pour s’imposer face à Google, il faut impérativement proposer des services qui taclent la recherche et l’email. Or, comme indiqué par le développeur, Bloom n’a aucun plan actuellement de lancer ces services. En tout cas, le projet fait encore ses premiers pas, pour cela, il serait intéressant de suivre comment il va évoluer dans les années à venir.
Source : Kerkour - Bloom
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