Open source … L’expression est vieille de plus d'une vingtaine d'années désormais. Le mouvement a désormais pénétré la quasi-totalité des domaines de l’informatique. En début d’année, un développeur a volontairement corrompu des bibliothèques open source après avoir demandé rémunération pour son travail. La manœuvre faisait suite à des questionnements sur les raisons pour lesquelles peu de personnes sont prêtes à payer pour utiliser les logiciels de bases de données open source. L’open source souffre-t-il du problème de travail gratuit ? Le créateur de Raccoon dédié au téléchargement des APK pour Android donne son avis et signe d’entrée : « non, open source ne veut pas dire support gratuit inclus. »
L’intégralité de sa position
Voici une conversation paraphrasée que j'ai trop souvent, qui me fait perdre beaucoup trop de temps et m'empêche de faire des choses bien plus importantes :
À partir de là, ça dérape en général en une tirade pleurnicharde sur le fait que je suis un minable développeur à deux balles qui se fout de son code (ce qui est ridicule, puisque, fierté professionnelle mise à part, j'ai tout intérêt à corriger les bogues, pour éviter que ma boîte de réception ne soit inondée) et qui veut juste arnaquer ses utilisateurs.
Dans le passé, j'ai parfois cédé (lorsqu'il semblait que quelque chose ne tournait pas rond). J'ai examiné le problème et j'ai presque toujours constaté que rien n'était cassé, que le logiciel ne fonctionnait pas comme prévu (ce qui est en fait prévisible pour tout logiciel raisonnablement complexe). L'utilisateur n'avait tout simplement pas pris la peine de lire la documentation et avait essayé d'éviter les frais en faisant passer la demande d'assistance pour un rapport de bogue. Aujourd'hui, ma politique est donc la suivante : pas de ticket d'assistance, pas de service. Toute demande de ce type va directement à la corbeille sans même être examinée.
Voici ce qu'il en est : j'écris des logiciels libres pour résoudre mon problème. Je vous laisse utiliser mes solutions parce que cela ne me coûte rien (enfin, presque, je dois encore payer pour le site web sur lequel vous téléchargez. Vous êtes les bienvenus, d'ailleurs). Je fournis également le code source, afin que vous puissiez corriger vous-même les choses, si ma solution s'avère inadaptée. Cependant, dès lors que vous me présentez un "rapport de bogue" qui n'inclut pas un correctif (ou du moins qui n'identifie pas très précisément le problème), vous me demandez en fait de me pencher sur votre problème. À ce stade, le coût n'est plus nul pour moi et c'est la raison pour laquelle je vous fais payer : vous me demandez de passer du temps pour vous. C'est ce qu'on appelle communément le travail. Et étonnamment, le travail est ce pour quoi les gens s'attendent à être payés.
Ne vous méprenez pas. Je suis heureux d'aider. Vendre de l'aide est ce qui permet de garder les lumières allumées ici (ai-je mentionné le coût de fonctionnement d'un serveur web ?). Mais venir me voir sous de faux prétextes et/ou attendre de moi que je fournisse un service gratuit en plus d'un logiciel que j'ai donné gratuitement ne va pas vous faire gagner des faveurs.
Cela cesse d'être gratuit, quand cela commence à me coûter ! Mon temps est précieux. Si vous en voulez une partie, je veux de l'argent en retour. Point final.
Qu’en disent les chiffres ?
Un sondage de Digital Ocean paru en début d’année dernière indique que les développeurs estiment qu’ils doivent percevoir une rémunération pour leurs contributions, et ce, des grosses entreprises technologiques en premier. Le sondage s’appuie sur les retours de 4440 développeurs participant aux projets open source et issus d’Amérique du Nord, d’Europe et de la région Asie-Pacifique. Plus de la moitié des répondants estiment que les participants devraient être payés pour contribuer aux projets open source (54 %), tandis qu'environ un tiers restent indécis. Seuls 12 % des répondants sont contre le fait de payer les individus pour leurs contributions.
En ce qui concerne la question de savoir qui doit être payé, le rapport met une division entre répondants en lumière. 35 % pensent que les mainteneurs doivent être rémunérés, 30 % préconisent que les contributeurs soient rémunérés et 25 % sont d'avis que les auteurs doivent être rémunérés pour leur travail. Il est intéressant de noter que les jeunes générations sont beaucoup plus favorables au paiement des contributions à l'open source que certains de leurs pairs plus âgés. 60 % des répondants âgés de 18 à 24 ans pensent que les individus devraient être rémunérés pour leurs contributions à l'open source, alors que seulement 53 % des 25 à 34 ans, 51 % des 35 à 44 ans, 42 % des 45 à 54 ans et seulement 34 % des plus de 55 ans sont d'accord.
Les répondants ont également été interrogés sur la question de savoir qui devrait financer ces paiements. Environ la moitié des répondants pensent que les entreprises technologiques devraient financer le paiement des contributions à l'open source, tandis qu'un quart pensent que les propriétaires de projets ou les particuliers devraient payer.
Dans une sphère alimentée par les dons qui permettent de dégager le « salaire » des mainteneurs, Andre Staltz note que « la plupart [80 %] des projets open source considérés comme durables reçoivent en fait un revenu inférieur aux normes de l'industrie ou même inférieur au seuil de pauvreté.*» Dans les chiffres, le créateur du réseau social Manyverse passait en revue les 58 projets les plus populaires de la plateforme OpenCollective – un choix qu’il justifie par la disponibilité des données financières des projets qui y sont listés.
« Plus de 50 % des projets sont marqués en rouge : il s'agit de ceux qui ne peuvent pas apporter le soutien nécessaire à leurs mainteneurs en dessous du seuil de pauvreté. 31 % des projets sont marqués en orange et se composent de développeurs prêts à travailler pour un salaire qui serait considéré comme inacceptable dans notre industrie. 12 % sont marqués en vert et seulement 3 % sont marqués en bleu : Webpack et Vue.js. Le revenu par étoile GitHub est important : les projets durables ont généralement plus de 2 $ par étoile. Cependant, la valeur médiane est de 1,22 $ par étoile. La taille de l'équipe est également importante pour la durabilité : plus l'équipe est petite, plus elle a de possibilités de soutenir ses mainteneurs. Le don médian par année est de 217 $, ce qui est substantiel lorsqu'on fait une analyse du point de vue individuel, mais en réalité, cela inclut le parrainage d'entreprises qui le font aussi pour leurs propres besoins de marketing », ajoute-t-il en s’aidant de statistiques 2019 de GitHub et OpenCollective.
Staltz est d’avis que l’un des problèmes avec l’open source est que « ces projets sur lesquels plusieurs entreprises s’appuient ont besoin de dons et n’en reçoivent pas assez. » « 2,5 millions de dollars par an pour tous ces projets [ceux de son enquête] ce n’est pas assez. Ce n’est pas le modèle de financement par dons qui fait problème, mais bien cette culture d’entreprise qui consiste à s’inspirer de l’open source beaucoup plus qu’elle ne lui apporte. Le partage est l'essence même de l'open source. Ce n'est pas seulement une question d'argent. Il s'agit pour tous les intervenants de garder à l'esprit qu'il faut des contributions logicielles, de la documentation, etc. En tous cas, je crois en ce modèle. », ajoute-t-il.
« Dès le départ, il faut lancer le projet sous une licence copyleft forte. Il faut ensuite entamer une campagne de financement participatif pour transformer la licence du projet en une autre plus permissive une fois qu'un financement suffisant est disponible*», suggère-t-il en guise de modèle de financement de projet open source.
Et vous ?
Êtes-vous pour ou contre le fait de payer les individus pour leurs contributions open source ? Quel est votre avis sur la position du créateur de Raccoon ?
Qui doit financer le paiement des contributions à l’open source ? Les grosses entreprises technologiques ? Les propriétaires desdits projets ? Les utilisateurs ?
Quel est le modèle de financement le plus approprié pour la filière open source ?
Voir aussi :
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Le , par Patrick Ruiz
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