83 % des utilisateurs de l’application TikTok ne sont pas préoccupés par la potentielle collecte de leurs données par la Chine. Néanmoins, l’application est désormais sous le coup de deux décrets l’interdisant aux USA. Après TikTok, Donald Trump envisage même de faire pression sur d’autres entreprises chinoises comme Alibaba. C’est une liste non exhaustive d’exemples pour illustrer le fait que le monde est politique et que nous sommes affectés par les décisions de cette sphère. Une nouvelle dont on ne doute pas qu’elle soit de cet ordre vient de tomber : les USA empêchent l’accès à leurs comptes Gitlab aux utilisateurs d’Iran.
L’un des signalements est de Ahmad Haghighi – utilisateur, contributeur et administrateur d’instances Gitlab. « Le 3 octobre 2020, GitLab a bloqué l'accès des Iraniens (sur la base de leur IP) sans aucun préavis ! et cinq jours plus tard (8 octobre), le compte de mon ami a été bloqué et il n'a toujours pas accès à ses projets ! même après avoir créé un ticket et demandé un accès temporaire pour exporter ses projets uniquement ! GitLab a refusé de le débloquer ! Mon ami n'est pas le seul à avoir été bloqué par GitLab. Avec une simple recherche sur le web vous pouvez trouver une liste croissante de comptes bloqués. J'ai donc décidé de quitter GitLab et TOUS les logiciels libres basés, hébergés ou gérés aux États-Unis », indique-t-il.
Cette sortie fait suite à une autre alerte (qui a fait surface en juillet 2019) d’un utilisateur du service web d’hébergement et de gestion de logiciels – GitHub. Elle touchait en premier à ceux qui font usage de GameHub sous Linux. L’application sert à centraliser dans une bibliothèque tous les jeux en provenance de Steam, GoG, Humble Bundle, Humble Trove ainsi que les jeux installés de manière indépendante en local. Grâce à GameHub, il est possible de voir d’un seul coup d’œil, mais aussi de télécharger, installer, désinstaller et lancer ses jeux, mais aussi les bonus ou les DLC en provenance de GoG.
« Mon compte a été bloqué en raison des sanctions américaines car je vis en Crimée. Je pourrais ne plus être capable de maintenir GameHub dans le futur », rapportait-il dans un ticket ouvert sur la plateforme.
Le cas GameHub s’inscrivait dans la même vague que celui d’Ahmed Saeedi Fard – un développeur iranien présent sur la plateforme depuis 2012. Ce dernier avait reçu un courriel des gestionnaires de la plateforme pour lui notifier un blocage de son compte en raison des sanctions américaines.
Ces différentes plaintes faisaient suite à une annonce de GitHub relative à la possibilité de créer un nombre illimité de référentiels privés (des projets logiciels non visibles par le grand public, mais seulement par une poignée de collaborateurs prédéfinis) sur GitHub et l’offre est gratuite. Cet état de choses avait suscité un grand intérêt dans la communauté des développeurs et poussé certains à migrer de façon totale sur la plateforme, voyant ainsi certains de leurs référentiels privés verrouillés.
« GitHub était une plateforme libre pour tous depuis de nombreuses années, mais elle a décidé de bloquer les comptes iraniens. Je pense qu'être d'un pays donné n'est pas un choix qu'on fait, mais être un développeur et contribuer à la communauté open source l'est. GitHub nous interdit notre liberté de contribuer et de faire partie de l'écosystème open source parce que nous vivons en Iran.
GitHub a bloqué nos dépôts privés sans aucune notification préalable et maintenant nous n'avons pas accès aux codes. Vous ne devriez pas juger les gens en fonction de leur pays d'origine. Vous pouvez restreindre un gouvernement, mais vous ne devriez pas interdire vos utilisateurs actifs et loyaux sans aucun avertissement.
Je pense qu'avoir une simple page GitHub est un droit fondamental pour les utilisateurs. Ne nous mettez pas en dehors de la communauté open source », avait-t-il lancé.
Ces mesures peuvent à juste titre être perçues comme une extension de celles qui découlent de la guerre commerciale entre les USA et la Chine. En effet, à mi-parcours du mois de mai de l’année précédente, le président Donald Trump a signé un décret qui établit les bases pour empêcher des entreprises de télécommunications chinoises telles que Huawei de vendre du matériel aux États-Unis. La mesure vise à neutraliser la capacité de la Chine à compromettre les réseaux sans fil et les systèmes informatiques américains de la prochaine génération. L’ordonnance interdit l’achat ou l’utilisation de toute technologie de communication produite par des entités contrôlées par « un adversaire étranger » susceptible de saboter des systèmes de communication américains ou de créer des « effets catastrophiques » sur l’infrastructure américaine.
Y faisant suite, le ministère américain du Commerce avait pris une mesure connexe qui interdit aux entreprises américaines de vendre des composants et des logiciels à Huawei et à 70 de ses affiliés (désormais inscrits sur la liste américaine d’entités à bannir) sans autorisation. Avec le verrouillage des comptes d’utilisateurs de Crimée et d’Iran, on en découvre une nouvelle facette.
GitHub est, il ne faut pas l’oublier, une plateforme soumise aux lois américaines. En vertu de celle qui régit les exportations de technologies, la plateforme ne peut être utilisée pour le développement d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ; de missiles longue portée ou de véhicules aériens téléguidés. C’est probablement la raison pour laquelle les référentiels privés d’Ahmed Saeedi Fard avaient été verrouillés. En tout cas, il était convaincu que les USA lui attribuent de telles activités pour justifier leur sanction. Pour ce qui est de GameHub, aucune raison autre que la nationalité n’avait filtré.
C’est en raison de ce positionnement des USA que la Chine a dû procéder à l’officialisation de Gitee – une alternative à GitHub destinée à s’affranchir des technologies US. Une sortie d’un responsable de Huawei en lien avec ce développement en dit long sur l’objectif : « Si la Chine ne dispose pas de sa propre communauté open source pour maintenir et gérer les projets, notre industrie nationale du logiciel sera très vulnérable à des facteurs incontrôlables. »
L’officialisation de Gitee a un bon côté : elle vient créer de la concurrence dans un secteur des services en ligne dominé par les plateformes US. Elle n’échappe cependant pas à la dualité, la Chine étant connue comme le pays où la fiction Big Brother de 1984 tend à devenir réalité. Avec ses 10 millions de dépôts, les autorités chinoises positionnent déjà Gitee comme deuxième plus grosse plateforme d’hébergement et de gestion de projets logiciels open source. Les murs ne cessent de s’élever de part et d’autre et avec eux le risque que l’on s’achemine de plus en plus vers la fin du rêve d’Internet : communication sans frontières et connaissance pour tous, mise à mal de l’open source due aux politiques implémentées par les pays.
Source : Signalement
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Gitlab bloque l'accès à leurs comptes aux utilisateurs d'Iran en raison des sanctions américaines :
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Le , par Patrick Ruiz
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