Contacter les membres du Sénat par email ou par téléphone pour leur expliquer l'importance du logiciel libre dans le système éducatif, c'est l'appel lancé par l'April afin que soit inscrite dans la loi la priorité au logiciel libre dans le cadre du service public de l’enseignement. Ce vieux débat a refait dans le cadre du projet de loi « pour une école de la confiance », le projet de réforme de l'Éducation nationale présenté par Jean-Michel Blanquer en décembre dernier.
Après le "non" du ministre de l'Éducation et l'Assemblée nationale en février dernier, les sénateurs pourront à leur tour se prononcer sur la question de donner ou non la priorité au logiciel libre : l'examen en séance publique du projet de loi va démarrer au Sénat mardi 14 mai 2019 à partir de 14 h 30, et deux amendements sont suivis de près par l'association pour promouvoir et défendre le logiciel libre dans l'espace francophone.
Le premier, l'amendement N° 187 rect. ter, est rédigé comme suit : « Les logiciels mis à disposition des élèves dans le cadre du service public de l’enseignement sont en priorité des logiciels libres. » Ses promoteurs, le sénateur Pierre Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE), demandent par conséquent une modification de l'article L. 131-2 du Code de l'éducation. Pour information, cet article stipule que : « [dans le cadre du service public de l’enseignement], la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe ». Pierre Ouzoulias et son groupe proposent que les mots « tient compte de » soient remplacés par les mots « donne la priorité à ».
Ils expliquent en effet que le recours aux logiciels libres et formats ouverts présente des avantages majeurs. Il s'agit, entre autres, de « la libre exécution du logiciel pour tous les usages, la possibilité de l’adapter et de l’enrichir, l’interopérabilité, l’évolutivité ou les capacités de mutualisation du code », qui sont pour eux « autant de caractéristiques propres au logiciel libre qui garantissent une véritable autonomie à l’égard des grands éditeurs, une meilleure sécurité, mais aussi une plus grande flexibilité aux systèmes d’informations gérés publiquement. » Cela permettra aussi, selon eux, de « mettre en œuvre un parallélisme des formes avec ce qui s’applique pour l’enseignement supérieur. »
Le deuxième amendement (N° 425), proposé par la sénatrice Françoise Laborde, membre du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), quant à lui, ne propose que de modifier l'article L. 131-2, en précisant clairement qu'il faut donner la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts. Mme Laborde estime en fait que ce simple encouragement (tenir compte de l'offre de logiciels libres et documents au format ouvert) n’a pas eu d’effet en pratique.
Ce sont pratiquement les mêmes amendements et arguments qui ont été présentés en Assemblée par les défenseurs du logiciel libre. Toutefois, pour le ministre de l'Éducation nationale, il n'est pas question de revenir sur ce débat. Jean-Michel Blanquer estime suffisant l'encouragement au logiciel libre déjà inscrit dans la loi. Mais il a également avancé que l'inscription dans la loi d'une priorité au logiciel libre pourrait être contraire au code des marchés publics ; un argument mis en avant à l'évoque par le Syntec Numérique, le syndicat professionnel des industries et métiers du numérique.
L'association April rejette toutefois les arguments du ministre qui, selon elle, cachent un manque de volonté politique pour mettre en œuvre une véritable politique publique en faveur du logiciel libre. En 2013, elle avait publié une analyse pour montrer que la priorité au logiciel libre n'était pas en violation du droit européen. La question avait par exemple été juridiquement tranchée par la Cour constitutionnelle italienne en 2010.
Le gouvernement central italien avait en effet saisi la Cour constitutionnelle, car il considérait qu'une disposition de la loi locale du Piémont, qui privilégiait explicitement le logiciel libre, allait à l'encontre du droit de la concurrence. Mais la Cour a jugé qu'il n'y avait pas de violation des règles de la concurrence, car le concept de logiciel libre n'est pas une notion relative à une technologie déterminée, une marque ou un produit, mais représente une caractéristique juridique. L'analyse de l'association April n'a jamais été contredite. En plus, en 2013, le Parlement a inscrit la priorité au logiciel libre dans la loi enseignement supérieur et recherche. Si donner la priorité au logiciel libre a été jugé opportun pour le service public d’enseignement supérieur et de recherche, il ne devrait y avoir aucune raison pour que cela soit rejeté pour l'Éducation nationale, a ajouté April.
L'association pour promouvoir et défendre le logiciel libre dans l'espace francophone appelle donc chacun à contacter les sénateurs pour soutenir ces propositions (amendements N° 187 rect. ter et N° 425) et encourager à l'adoption en priorité de l'amendement n° 187 rect. ter. L'examen de ces amendements pourrait avoir lieu jeudi 16 mai dans la journée.
Source : April, Amendements (N° 187 rect. ter et N° 425)
Et vous ?
Est-il souhaitable de privilégier les logiciels libres dans l'éducation ou faut-il au contraire former aux logiciels les plus courants, peu importe qu'ils soient libres ou autres ?
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Le , par Michael Guilloux
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