Par définition, l’open source ou « code source ouvert » est un concept qui s'applique aux logiciels (et s'étend maintenant aux œuvres de l'esprit) dont la licence respecte des critères précisément établis par l'Open Source Initiative, c'est-à-dire les possibilités de libre redistribution, d'accès au code source et de création de travaux dérivés. Mis à la disposition du grand public, ce code source est généralement le résultat d'une collaboration entre programmeurs. Le mouvement open source s'est constitué sous l'impulsion d'Eric Raymond et s'est développé en opposition au mouvement du logiciel libre qui prône des valeurs philosophiques et politiques de justice, tandis que l'open source se focalise sur des considérations techniques du développement logiciel et ne voit pas de problème à l'utilisation de systèmes intégrés combinant logiciels propriétaires et logiciels open source. Dans la pratique toutefois, une grande majorité des logiciels open source sont également libres.
Ainsi, la différence entre ces différents termes techniques (logiciel open source, logiciel libre et logiciel gratuit) semble difficile à percevoir pour beaucoup dans le monde informatique. Cependant, selon Havoc Pennington, un ingénieur en logiciels libres (ancien ingénieur chez Red Hat) et est maintenant cofondateur de Tidelift, ce qu’il faut éviter de faire, c’est de croire que l’open source est une oeuvre de charité. Lorsqu’on considère l’open source comme tel, dit-il, des problèmes sociaux à la manière de ceux qu’on rencontre dans les stages professionnels (profiter de la main-d’oeuvre gratuitement, un élargissement du fossé de l’inégalité sociale, etc.) naissent très rapidement.
Havoc Pennington
Pour Pennington, une grande majorité des entreprises qui emploient aujourd’hui les solutions open source croient qu’il suffit de faire quelques dons aux développeurs et continuer de profiter de leurs solutions, alors que les logiciels ainsi acquis leur rapportent bien plus. Néanmoins, dit-il, bien que le travail non rémunéré soit un moyen populaire et parfois efficace de devenir un développeur de premier plan bien connu, l'absence de compensation ne nuit pas seulement qu’aux développeurs individuels, mais elle crée également des problèmes sociaux en amplifiant les privilèges existants. En effet, il cherche à faire comprendre que l’open source n’est pas de la charité dans la plupart des cas et qu’il est tout à fait normal que les responsables de l’open source demandent de l’argent pour la valeur fournie. Cela fait deux décennies que ça fait partie des activités d’énormes entreprises rentables. La grande majorité des utilisations et du travail open source se déroule dans un contexte commercial, a-t-il fait remarquer.
Pour aller plus loin, l'expression « open source » s'est largement imposée dans le monde professionnel, mais également dans le milieu universitaire. Ainsi, d'un point de vue économique, la marque open source est une matérialisation d’une nouvelle forme de marché et d'économie. Il s'agit de fournir une approche plus pragmatique des avantages du logiciel libre, en mettant de côté les connotations politique et philosophique, afin de n'en conserver que les avantages sur le plan de l'ingénierie. Le développement de ce marché est porté par les entreprises traditionnelles de l'informatique, mais également par des sociétés de services spécialisées.
Pennington pense que le manque de rémunération des mainteneurs indépendants et des contributeurs fait en sorte que de nombreux projets sur lesquels tout le monde compte ne sont pas bien entretenus et d’autres commencent déjà par être abandonnés. Pour cela, il affirme qu’il existe une limite selon laquelle certains travaux ne doivent tout simplement pas être effectués gratuitement. Par exemple, explique-t-il, il faudrait arrêter de demander aux développeurs ou aux contributeurs de supporter les anciennes versions des logiciels gratuitement.
Il a aussi cité d’autres choses qui ne devrait pas être faites gratuitement telles que les communiqués supplémentaires, l’examen rapide des correctifs et tri des problèmes, la stabilité extrême, etc., et les demandes d’assistance. Dans ce dernier cas, il rapporte que les rapports de bogues sont une chose, mais il n'y a aucune raison pour que les responsables d’un projet open source aient besoin d’accompagner n'importe qui gratuitement. « Vous pouvez créer un forum ou utilisez StackOverflow pour que les personnes se soutiennent mutuellement ou créer et annoncer des options d'assistance payées. Néanmoins, si vous ne voulez pas le faire gratuitement, ne le faites pas ! Rien ne vous y oblige », a déclaré Havoc Pennington.
Comment les communautés peuvent-elles prospérer lorsqu’elles doivent tout faire gratuitement ou lorsque les gros utilisateurs commerciaux ne paient pas pour la valeur ? À l'heure actuelle, explique-t-il, de nombreux utilisateurs s'attendent et exigent, que tout cela soit gratuit. « En tant qu’industrie, il faut s’attendre à cela de la part des utilisateurs, mais il serait également judicieux de fixer des limites », a-t-il souligné. Selon Pennington, ces limites qui ne sont souvent pas fixées sont à la base de beaucoup de frustration de tous les côtés (utilisateurs et développeurs de solution open source).
La plupart du temps, a expliqué Pennington dans son billet, les développeurs se sentent souvent coupables de demander de l'argent pour des raisons telles que : ils aiment réellement le travail qu’ils font, cela ne prend pas beaucoup de temps pour faire une chose, et si quelqu’un me crie dessus ? Cependant, ce qu’ils oublient, c’est que la facturation leur apporte également de la valeur. Pour lui, « même si nous travaillons beaucoup gratuitement, il peut être utile d’avoir un prix catalogue pour définir les attentes ».
Un autre problème qu’il souligne dans son billet, est que quelques fois, même si vous intégrez dans votre fichier “LISEZMOI” des limites pour lesquels vous ne ferez pas de travail gratuit, vous vous retrouvez tout de suite pris entre un certain nombre d’obstacles de la part de la communauté. Par exemple, vous obtiendrez des hurlements de protestation vous traitant de mendiant. Certaines de ces protestations proviendront de développeurs de logiciels très bien rémunérés, qui sont peut-être même rémunérés pour travailler sur l'open source d'une manière ou d'une autre, mais qui croient en même temps que les mainteneurs indépendants ne devraient pas être payés, car l'open source devrait être une œuvre de bienfaisance. Il existe également d’autres obstacles auxquels les développeurs de l’open source sont confrontés.
Havoc Pennington estime qu’il s’agit d’un problème qui mérite d’être abordé, traité et résolu par le monde open source pour les prochaines années. Il pense qu’à l’heure actuelle, l’open source aggrave le problème de la diversité de la technologie. L’open source, déclare-t-il, engendre les problèmes techniques comme le manque de maintenance des projets où de nombreux projets sur lesquels tout le monde compte qui deviennent fantômes ou sous-entretenus et des problèmes de droit comme selon lesquels si vous ne mettez pas une valeur sur votre temps, les gens supposeront que sa valeur est faible ou nulle.
Par la suite, il suggère que la communauté open source doit prendre du temps et réfléchir à quelques questions qui méritent d’avoir des réponses pour que le monde open source puisse bien se porter à l’avenir. Il a énuméré des questions comme : Quelles sont les catégories de travail qui ne doivent pas être rémunérées pour que la communauté open source puissent prospérer ? Comment les projets peuvent-ils clarifier les attentes des utilisateurs et donner aux entreprises un moyen de payer pour la valeur reçue ? Quelles autres catégories de travail doivent être payées pour que les projets open source aient des mainteneurs indépendants avec des revenus fiables ?
Ce que lui et beaucoup d'autres espèrent, c’est qu’il y ait à l'avenir beaucoup de discussions autour du sujet pour permettre à la communauté open source d’avoir un bon encadrement en qui concerne les valeurs économiques des projets open source. Cela permettra, selon lui, d’améliorer la productivité des développeurs, sauver beaucoup de projets et lever un grand nombre d'ambiguïtés qui existent autour de “l’open source”.
Source : Billet de blog
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